"Hommage à toutes ces jeunes femmes qui sont devenues,
le temps du conflit 14-18, des tricoteuses infatigables."
A l'approche du 11 novembre, voici un sujet qui me tient à coeur :
Pour cet hommage, voici quelques modèles au crochet et tricot à réaliser pour les poilus que bien des femmes ont du suivre, extraits de l'ouvrage ci-dessous :
Voici les indispensables :
Des ceintures,
des passe-montagnes,
des chaussons, jambières, manchettes et genouillères,
des caches col et même une blague à tabac au crochet...
Voici des cartes postales d'époque représentant chacune une femme réalisant un ouvrage pour un soldat... qui est dans ses songes.
En fait, les femmes, mais aussi les fillettes sont mises à contribution dans cet "effort national' et ce de toutes les couches sociales.... :
Après les anonymes petites mains, voici une lettre d'une comédienne renommée de l'époque :
"La célèbre comédienne Julia Bartet (1854-1941), surnommée «la Divine», publie dans «l'Echo des tranchées, journal du 17e territorial» une lettre exquise reprise in extenso dans le Figaro. Elle y célèbre le dévouement des jeunes femmes qui oublient pour un temps la mode et la coquetterie pour confectionner gants et chaussettes."
«L'Echo des tranchées» fait partie des quelques 500 journaux de tranchées aux titres percutants (Rigolboche, Le Poilu déchaîné, le Canard du boyau, L'Écho des gourbis, Marmita, La Guerre joviale…) apparus dès la fin de l'année 1914. Réalisés par les soldats pour les soldats dans les moments de répits, ils sont reproduits par divers moyens et distribués aux poilus. Certains comme Rigolboche ou Cingoli-Gazette paraîtront jusqu'à la fin du conflit.
Article paru dans le Figaro du 13 mai 1915
L'Echo des tranchées, un de ces excellents petits journaux qui, du front, apportent aux civils de la gaieté et du réconfort, contient cette semaine un article qu'eût envié tout journal parisien: cet article charmant de Mme Bartet, la doyenne de la Comédie-Française, «composé spécialement pour les poilus du 17e territorial», nous dit la rédaction:
«Héros, vous allez revenir»
Les aiguilles à tricoter ont ralenti, puis arrêté leur mouvement. On vous a conté dès l'automne avec quelle application passionnée, dans toute la France, à la campagne, dans les petites villes, à Paris, dans les salons, dans les ambulances, dans le Métro, au théâtre, et, Dieu me pardonne, au sermon (oui, bien sûr, il le pardonne!), les femmes, avec maladresse ou virtuosité, mais d'un zèle égal, ont entrepris de discipliner la laine.
Pour les torses grelottants sous l'averse, pour les visages gercés par la bourrasque, pour les nez bleuis, pour les pieds que pétrifiait la boue gelée, pour les genoux arrachés par les longues reptations sur le cher sol de France, si rude quand il faut l'étreindre, pour les mains héroïques qui se crispaient sur le froid et lourd fusil... il y eut d'abord des tas, puis des monticules, puis des montagnes, puis des chaînes de montagnes de chaussettes, de gants, de chandails, de cache-nez, des genouillères. Vous les avez tous reçus, expérimentés, usés.
La mode,
messieurs, était toute à vous!
Vous avez souri de l'ingéniosité et de l'imagination inquiète que révélait
la variété des couleurs et surtout des formes. Cette variété, vous ne savez
peut-être pas tout de même de quelles méditations ardentes elle fut le fécond
résultat. Ah! qu'il était alors loin des belles travailleuses le souci de
savoir si, cette année, les jupes seraient vraiment à huit godets, si les
blouses auraient ou non des chichis, si le plissé soleil ressusciterait, si les
chapeaux seraient «chouchoutés», si le plumeau balai se porterait sur l'œil ou,
tout au contraire, sur la nuque... Non, les dames auraient des robes de guerre,
sobres, c'est-à-dire leurs plus simples tailleurs de l'an dernier. Et voilà
pour elles. La mode, messieurs, était toute à vous!
-C'est une erreur, ma chère, de leur faire cinq doigts à leurs gants! C'est
le moyen de les faire geler! Des moufles, ma bonne, voilà où est la vérité. Et
un seul doigt libre, pour pouvoir se servir du fusil, bien entendu.
- Mais comment comprenez-vous votre passe-montagne? Vous voulez donc les
rendre sourds, et qu'ils n'entendent pas les Boches approcher! Moi, je laisse
passer le bout de l'oreille...
- Moi pas, ma chère, ça leur gèle le tympan...
- Les officiers demandent... Un médecin-major m'a dit... Joffre veut...
Bientôt,
sveltes, debout, et droits dans le soleil, vous libérerez le sol, que couvre
encore, pour peu de jours, l'ennemi dont vous faites l'étonnement.
Mais je viens à vous comme la colombe de l'arche et je vous apporte,
confidentiellement, un signe des temps. On ne tricote plus, car voici les beaux
mois dorés aux longs jours qui reparaissent; et vous, dégagés de votre
affublement d'ours héroïques, vous émergez insensiblement de la terre. Bientôt,
sveltes, debout, et droits dans le soleil, vous libérerez le sol, que couvre
encore, pour peu de jours, l'ennemi dont vous faites l'étonnement.
Je vous le dis en vérité on ne tricote plus. Et les femmes, peu à peu,
redeviennent coquettes. Timidement d'abord, résolument ensuite, car elles
savent se faire un devoir de tout ce qu'elles font, les femmes ont recommencé
de parler toilette. Et cette fois c'est de la leur. Les «robes de guerre»
disparaissent, le couturier époussette son sceptre. Et pieusement,
fiévreusement, amoureusement, elles se font belles. Ah! ce signe est le plus
probant de tous: Héros, vous allez revenir!...
Source: Vivre en collectivité, les journaux des tranchées, Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine, BDIC.
Dans les autres pays engagés dans le conflit, il y a la même initiative...
En voici quelques exemples :
Au Etats-unis, appel de la Croix Rouge pour des chaussettes :
En Angleterre, trousseau à faire pour les marins et hommes de terrain :
Voici un acrostiche en anglais (UK ou US, je n'ai pas trouvé l'origine..) lançant un appel pour 150 000 paires de chaussettes :
En hommage à mon arrière grand-mère, Émilienne, qui a connu cette guerre et qui faisait de beaux ouvrages au crochet comme ce châle que j'ai toujours (voir l'article : châle blanc au crochet d’Émilienne) et dont le mari a fait cette drôle de guerre, Léon Duchemin, bel homme dans son costume militaire prêt à en découdre avec l'ennemi :
Il reviendra malade (maladie respiratoire) à cause des gaz et décédera quelques années après son retour, laissant ses deux filles et Émilienne qui se remariera avec un dénommé Roger Grigaut qui lui aussi a fait "la Grande Guerre" où il fut blessé comme en témoigne ses médailles militaires :
Que de vies brisées et gâchées...
J'ai bien d'autres histoires dans ma famille et même si le temps passe, le souvenir reste !
Remerciement au professeur d'Histoire de ma fille qui grâce à un de ses devoirs a éveillé sa curiosité sur la vie de notre famille lors des deux conflits mondiaux.
Cela nous a incité à retracer le parcours des membres de notre famille, à interroger nos anciens, à recueillir des témoignages qui auraient été perdus, et à visiter des lieux dans lesquels nous ne serions peut-être pas allés ensemble...
Le devoir de mémoire est plus concret pour elle, maintenant.
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